Baudelaire, Un Jour de Pluie
It has the softness and thickness of the paste on a painting! I found the poem on a blog (Plume au Vent), and then I found the poem on a video: photos of the poet follow one another on the small screen while a voice is reciting the verses. Listen to it while following the lines of the poem!
And the lithograph of Michèle Battut, a sketch of Paris and Seine under a gray sky swept by thick clouds: what a gem!
(Baudelaire)
And the lithograph of Michèle Battut, a sketch of Paris and Seine under a gray sky swept by thick clouds: what a gem!
Midi sonne. Le jour est bien sombre aujourd’hui ;
A peine, ce matin, si le soleil a lui.
Les nuages sont noirs, et le vent qui les berce
Les heurte, et de leur choc fait ruisseler l’averse.
Leurs arceaux, se courbant sur les toits ardoisés,
Ressemblent aux piliers de draps noirs pavoisés,
Quand, de la nef en deuil qui pleure et qui surplombe,
Le dôme s’arrondit comme une large tombe.
Le ruisseau, lit funèbre ou s’en vont les dégoûts;
Charrie en bouillonnant les secrets des égouts;
Il bat chaque maison de son flot délétère,
Court jauni de limon la Seine qu’il altère,
Et présente sa vague aux genoux du passant.
Chacun, nous coudoyant, sur le trottoir glissant,
Égoïste et brutal, passe et nous éclabousse,
Ou, pour courir plus vite, en s’éloignant nous pousse.
Partout fange, déluge, obscurité du ciel :
Noir tableau qu’eût rêvé le noir Ézéchiel !
Hier pourtant, le jour, dans sa profondeur vague,
Pur comme l’Océan ou s’assoupit la vague,
Semblait jeter sur nous son regard triomphant;
D’Apollon Délien l’attelage piaffant
A peine s’entourait de cette écume blanche
Qui du flanc des coursiers sur le sable s’épanche.
Hier, tout souriait sur les toits, dans les airs;
Les oiseaux dans leur vol sillonnaient des éclairs;
Hier, tout s’agitait aux fenêtres ouvertes;
Hier, se répandait sur nos places désertes
Tout un peuple, au plaisir, au travail empressé.
Regardez aujourd’hui : la nuit seule a passé !
C’est la règle éternelle : aux voluptés d’une heure
Succèdent les longs soirs ou l’innocence pleure;
Aux rapides clarté qui brillent sur le front,
L’obscurité des nuits qu’un éclair interrompt;
Au calme firmament, les chaos de nuages
Dont l’accouplement noir enfante les orages.
Le monde ou nous vivons, sous sa voûte d’airain,
Semble épaissir sur nous l’ombre d’un souterrain.
Dans un brouillard chargé d’exhalaisons subtiles
Les hommes enfouis comme d’obscurs reptiles,
Orgueilleux de leur force, en leur aveuglement,
Pas à pas sur le sol glissent péniblement
Ils ont, creusant sans fin des mystères occultes,
Embrassé tour à tour et nié tous les cultes;
Aux coins qu’à leur tanière assigna le hasard
Ils meurent en rêvant des palais de César;
Et lorsque sur la fange, à travers les ténèbres,
Tombe un peu de clarté des soupiraux funèbres,
En face du rayon qu’ils ont vu flamboyer,
Blasphémant le soleil, ils doutent du foyer.
A peine, ce matin, si le soleil a lui.
Les nuages sont noirs, et le vent qui les berce
Les heurte, et de leur choc fait ruisseler l’averse.
Leurs arceaux, se courbant sur les toits ardoisés,
Ressemblent aux piliers de draps noirs pavoisés,
Quand, de la nef en deuil qui pleure et qui surplombe,
Le dôme s’arrondit comme une large tombe.
Le ruisseau, lit funèbre ou s’en vont les dégoûts;
Charrie en bouillonnant les secrets des égouts;
Il bat chaque maison de son flot délétère,
Court jauni de limon la Seine qu’il altère,
Et présente sa vague aux genoux du passant.
Chacun, nous coudoyant, sur le trottoir glissant,
Égoïste et brutal, passe et nous éclabousse,
Ou, pour courir plus vite, en s’éloignant nous pousse.
Partout fange, déluge, obscurité du ciel :
Noir tableau qu’eût rêvé le noir Ézéchiel !
Hier pourtant, le jour, dans sa profondeur vague,
Pur comme l’Océan ou s’assoupit la vague,
Semblait jeter sur nous son regard triomphant;
D’Apollon Délien l’attelage piaffant
A peine s’entourait de cette écume blanche
Qui du flanc des coursiers sur le sable s’épanche.
Hier, tout souriait sur les toits, dans les airs;
Les oiseaux dans leur vol sillonnaient des éclairs;
Hier, tout s’agitait aux fenêtres ouvertes;
Hier, se répandait sur nos places désertes
Tout un peuple, au plaisir, au travail empressé.
Regardez aujourd’hui : la nuit seule a passé !
C’est la règle éternelle : aux voluptés d’une heure
Succèdent les longs soirs ou l’innocence pleure;
Aux rapides clarté qui brillent sur le front,
L’obscurité des nuits qu’un éclair interrompt;
Au calme firmament, les chaos de nuages
Dont l’accouplement noir enfante les orages.
Le monde ou nous vivons, sous sa voûte d’airain,
Semble épaissir sur nous l’ombre d’un souterrain.
Dans un brouillard chargé d’exhalaisons subtiles
Les hommes enfouis comme d’obscurs reptiles,
Orgueilleux de leur force, en leur aveuglement,
Pas à pas sur le sol glissent péniblement
Ils ont, creusant sans fin des mystères occultes,
Embrassé tour à tour et nié tous les cultes;
Aux coins qu’à leur tanière assigna le hasard
Ils meurent en rêvant des palais de César;
Et lorsque sur la fange, à travers les ténèbres,
Tombe un peu de clarté des soupiraux funèbres,
En face du rayon qu’ils ont vu flamboyer,
Blasphémant le soleil, ils doutent du foyer.
(Baudelaire)
Labels: Baudelaire, Michelle Battut
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