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Saturday, May 14, 2016

Massillon, Sur le petit nombre des élus (1699), Avant Propos

(source: AbeBooks)
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La littérature d'aujourd'hui utilise généralement des phrases courtes, suivant fidèlement la façon dont nos pensées se dénouent, leur débit et leur rythme. Il est quand nous nous trouvons en face d'une page écrite dans les temps anciens que l'on découvre, à travers ses longues constructions syntaxiques, la vraie grandeur de la langue.

... Mais l'art de Massillon semble avoir atteint son sommet avec le fameux sermon Sur le petit nombre des élus (Carême de l’Oratoire, 1699) (source: wiki)


Avant-Propos

Multi leprosi erant in Israel sub Elisaeo propheta ; et nemo eorum mundatus est, nisi Naaman Syrus
(Il y avait beaucoup de lépreux en Israël du temps du prophète Elisée, et aucun d'eux ne fut guéri que le seul Naaman le Syrien)
Luc, c. 4, v. 27

Vous vous demandez tous les jours, mes frères, s'il est vrai que le chemin du ciel soit si difficile, et si le nombre de ceux qui se sauvent est aussi petit que nous le disons. A une question si souvent proposée, et encore si souvent éclaircie, Jésus-Christ vous répond aujourd'hui qu'il y avait beaucoup de veuves en Israël affligées de la famine, et que la seule veuve de Sarepta mérita d'être secourue par le prophète Élie ; que le nombre des lépreux était grand en Israël  du temps du prophète Elisée, et que cependant Naaman tout seul fut guéri par nl'homme de Dieu.

Pour moi, mes frères, si je venais ici vous alarmer plutôt que vous instruire, il me suffirait de vous exposer simplement ce qu’on lit de plus terrible dans les livres saints sur cette grande vérité ; et, parcourant de siècle en siècle l’histoire des justes, vous montrer que dans tous les temps les élus ont été fort rares. La famille de Noé, seule, sur la terre, sauvée de l’inondation générale ; Abraham, seul discerné de tout le reste des hommes, et devenu le dépositaire de l’alliance ; Josué et Caleb, seuls de six cent mille Hébreux, introduits dans la terre de promesse ; un Job, seul juste dans la terre de IIus ; Lotli, dans Sodome ; les trois enfants juifs, dans Babyloue.

A des figures si effrayantes auraient succédé les expressions des prophètes ; vous auriez vu dans Isaïe les élus aussi rares que ces grappes de raisin qu’on trouve encore après la vendange, et qui ont échappé à la diligence du vendangeur ; aussi rares que ces épis qui restent par hasard après la moisson, et que la faux du moissonneur a épargnés.

L’Évangile aurait encore ajouté de nouveaux traits à la terreur de ces images : je vous aurais parlé de deux voies, dont l’une est étroite, rude, et la voie d’un très-petit nomhre ; l’autre, large, spacieuse, semée de fleurs, et, qui est comme la voie publique de tous les hommes ; enfin, en vous faisant remarquer que partout dans les livres saints la multitude est toujours le parti des réprouvés ; et que les élus, comparés au reste des hommes, ne forment qu’un petit troupeau qui échappe presque à la vue, je vous aurais laissés, sur votre salut, dans des alarmes toujours cruelles à quiconque n’a pas encore renoncé à la foi, et à l’espérance de sa vocation.

Mais que ferais-je en bornant tout le fruit de cette instruction à vous prouver seulement que très-peu de personnes se sauvent ? Hélas ! je découvrirais le danger, sans apprendre à l’éviter ; je vous montrerais, avec le prophète, le glaive de la colère de Dieu levé sur vos têtes, et je ne vous aiderais pas à vous dérober au coup qui vous menace ; je troublerais les consciences, et je n’instruirais pas les pécheurs.

Mon dessein donc aujourd’hui est de chercher dans nos mœurs les raisons de ce petit nombre. Comme chacun se flatte qu’il n’en sera pas exclu, il importe d’examiner si sa confiance est bien fondée. Je veux, en vous marquant les causes qui rendent le salut si rare, non pas vous faire conclure en général que peu seront sauvés, mais vous réduire à vous demandera vous-mêmes si, vivant comme vous vivez, vous pouvez espérer de l’être : qui suis-je ? que fais-je pour le ciel ? et quelles peuvent être mes espérances éternelles ?

Je ne me propose point d’autre ordre dans une matière aussi importante. Quelles sont les causes qui rendent le salut si rare ? Je vais en marquer trois principales, et voilà le seul plan de ce discours : l’art et les recherches seraient ici mal placés. Appliquez-vous, qui que vous soyez : le sujet ne saurait être plus digne de votre attention, puisqu’il s’agit d’apprendre quelles peuvent être les espérances de votre destinée éternelle.



(Massillon)

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